Régulièrement, des nouvelles nous parviennent de l’intérieur du pays selon lesquelles des tribus s’affrontent en des combats parfois meurtriers. Ces batailles aux enjeux douteux réveillent le souvenir d’un système basé sur une économie de guerre tribale dont découle le caractère belliqueux de la tribu. C’était au temps où il n’y avait pas d’État prétendant organiser la vie sociale sur l’ensemble d’un territoire défini.
Le tribalisme, comme sentiment inspirant le comportement social des Algériens, détermine largement la réalité politique nationale. Il constitue le paramètre principal du jeu des équilibres de pouvoir. Actuellement, le régionalisme, avatar géographique de cette chauvine mentalité, organise la gestion des institutions de l’État. Le réflexe est reproduit jusqu’au bas de l’échelle hiérarchique.
Le régime ne se limite pas à considérer les ambitions des citoyens en fonction de leur extraction régionale, clanique ou familiale. Il s’impose une démarche tribaliste dans sa pratique politique. Il sollicite des autorités coutumières, pré-républicaines, leur participation dans la formation de l’opinion populaire, de son expression et même des choix électoraux. L’empressement du pouvoir, notamment en période électorale, auprès des notables tribaux et des chefs de zaouïa, souvent soutenu par des arguments financiers, ne se cache plus.
Cette résurrection du pouvoir tribal et confrérique et de son rôle politique coïncide avec la valorisation officielle de la violence comme mode d’expression politique, la réconciliation nationale n’étant rien d’autre que cela.
Les deux ingrédients de la confrontation tribale sont là : la reconnaissance de la tribu ou de la confrérie comme entité ou réseau politique, d’une part, et l’acceptation de la violence comme légitime moyen d’expression politique, d’autre part.
L’État, dans cette dynamique, a un nouveau rôle : après chaque incendie, il vient faire ce qu’il peut pour réduire les effets de la violence et, surtout, pour constater le rapport de force entre les belligérants et leur proposer de “dialoguer” pour se “réconcilier”. D’entités justiciables, les belligérants ont évolué en entités politiques. L’État, quand il consent à superviser la réconciliation, le fait en tant qu’entité supra-politique, comme ce fut le cas pour… “les accords de Ghardaïa”.
En refusant de s’aliéner les capacités de nuisance des uns et des autres, à commencer par celles des islamistes, le pouvoir a fui sa responsabilité de maintien de l’ordre et renoncé au principe du monopole de l’État de la force légitime. Aujourd’hui, au moindre emportement, tous les groupes développent le réflexe de s’armer, peu importe avec quoi, pour en découdre avec l’autre quartier, l’autre club, l’autre tribu ou… avec les forces de l’ordre.
Le quartier — el-houma —, le club, le village, la tribu, etc. peuvent, à l’occasion, lever leurs armées, équipées de bâtons, de barres de fer, d’armes blanches, voire d’armes de chasse et de guerre, selon le cas.
Paradoxalement, en voulant se mettre au-dessus de tout et de tous, l’État a déserté la vie nationale et a laissé les acteurs sociaux spontanés, livrés à eux-mêmes, dans une espèce de surenchère de la violence qui, après avoir banalisé l’insécurité dans le pays, menace son unité.
Par :Mustapha Hammouche
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