Lorsque les femmes et les hommes de Novembre ont décidé de s’engager dans une lutte armée avec des moyens rudimentaires sur tous les plans, contre une puissance coloniale surarmée et structurée, ils n’étaient pas des surhommes. Ils ont décidé de s’engager avec la peur au ventre, avec la douleur anticipée de laisser les leurs, leurs enfants, leurs parents sans ressources face à une armée féroce qui ne manquera pas de se venger des vieux, des enfants. Ils étaient conscients des risques pour leur vie et de la misère et des souffrances physiques et morales qui guettaient leur famille.
Malgré tout cela, ils se sont donnés corps et âme à la cause noble qu’est l’indépendance nationale. L’équation était simple pour cette avant-garde de la liberté : sous le colonialisme on ne vit pas puisque les Algériens n’avaient rien. Que reste-t-il à perdre ? La vie sans dignité ni liberté est loin d’être le rêve façonné par des dizaines d’années de prise de conscience et par le fait national qui a pris forme de façon manifeste après les massacres du 8 mai 1945.
A ce titre, autant mourir dignement et pour une cause que de vivre sans gloire ni valeur. Ce sacrifice d’une minorité d’Algériens a été consenti pour que la majorité goûte à la liberté, la prenne à bras-le-corps et la préserve dans la dignité et dans l’égalité de tous en guise de revanche contre les 132 ans d’asservissement, de répression et de brimade de toute une nation qui refusait l’occupation depuis 1830.
Le sens du sacrifice s’est-il estompé ? N’y a-t-il pas aujourd’hui des raisons pour que le sacrifice soit une valeur et un comportement au service de la nation et de la majorité ? Novembre n’aurait de sens que si les responsables, tous les responsables du destin national, quel que soit leur niveau de responsabilité, incarnent son esprit et comprennent que le bien-être de la liberté retrouvée ne peut avoir de sens que si le bien-être social, économique, politique et culturel touche la majorité des Algériens.
Au lieu du sacrifice pour le bien de tous, ce sont l’égoïsme, la cupidité, l’individualisme, le népotisme, la corruption… qui se sont imposés comme valeurs faisant tâche d’huile et des émules parmi les masses qui n’ont d’autres choix que de se débrouiller pour survivre. L’esprit de Novembre plane mais n’arrive pas à s’enraciner dans ce terreau pourtant fertile que sont ces nouvelles générations qui aspirent à la paix, à la sécurité et au bien-être légitime.
Ces générations attendent de voir la justice s’imposer comme valeur sacrée applicable à tous sans exclusive. Ces générations attendent de voir l’Etat de droit consacré sans les faits pour que la citoyenneté soit pleine et entière pour tous et toutes. Ces générations, qui sont les lendemains de l’Algérie, attendent d’être reconnues comme héritières légitimes de l’esprit et des valeurs des sacrifiés de Novembre afin que leur sacrifice ne soit jamais vain.
Par Abdelkrim Ghezali
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