En ce glorieux anniversaire, on peut se dire pour la cinquante-cinquième fois que la guerre de Libération fut un succès : près de huit ans après son déclenchement, l’ordre colonial en Algérie a pris fin.
Mais quarante-sept ans après l’indépendance, le pays offre la triste image d’une république bananière. Malgré ses atouts historiques, culturels et naturels, il s’est engouffré, une fois libéré, dans un processus de confiscation politique clanique et autoritaire. Mis sous séquestre par la nationalisation du patrimoine, la gestion centralisée, le système du parti unique, la résolution brutale ou occulte des questions de pouvoir, le pays est réduit à un système d’allocation mafieuse des richesses nationales.
Dans le discours qu’il vient de prononcer pour l’inauguration de l’année judiciaire, le président de la République admet que le pays est rongé par la corruption. La promesse de combattre le fléau est régulièrement renouvelée par le pouvoir et réitérée à chaque rentrée judiciaire et au cours de chaque campagne pour l’élection présidentielle. Cette fois-ci, la panacée consisterait en un comité ad hoc en lieu et place d’un observatoire. Sans même savoir pourquoi l’organe de vigilance sortant aurait échoué à moraliser la gestion des deniers et biens publics, nous devons accueillir les nouveaux Elliot Ness avec l’espérance toujours renaissante d’une gestion enfin assainie de l’argent du peuple.
Mais il n’y a pas que les ressources du pays qu’on dilapide. Voilà près d’un demi-siècle que toutes les promesses de la Révolution sont sacrifiées sur l’autel de la guerre du pouvoir qui a succédé à la guerre de libération : l’identité réduite à des “constantes” ou “composantes” exclusives, les libertés combattues comme expression d’intention subversive et le développement soumis à l’impératif de la rente.
Plus de cinquante ans après, il faut bien constater que la Révolution contenait en elle sa contre-révolution : cette dialectique organique a fait que la libération du pays n’a pas signifié la libération des Algériens. L’indépendance de l’entité territoriale et politique n’a pas correspondu à une libération de la composante humaine. Dès les premiers jours, les Algériens ont assisté, médusés, à des disputes, parfois sanglantes et d’autrefois feutrées, de pouvoir qui les excluaient de la conception de la perspective nationale.
Depuis 1962, les méthodes se sont progressivement sophistiquées pour s’adapter à la demande mondiale d’évolution et pour leurrer l’aspiration populaire à une prise de part dans la gestion de l’avenir et la redistribution des retombées de l’exploitation des ressources nationales.
L’élection multipartite a ainsi succédé au duel de clans, au putsch et à l’élection de parti et de candidat uniques. Le despotisme, qu’il s’impose par la répression brutale ou par la fraude autoritaire, ressemble tout de même au despotisme.
Le Président signalait justement, hier, à propos du Conseil constitutionnel, “sa mission de veiller à la régularité des élections” et sa vocation “à statuer sur les réclamations qui s'y rattachent et à proclamer les résultats”, mission qui “l'a mieux fait connaître au grand public”.
Le vernissage institutionnel ne peut hélas rien contre l’emprise clanique et rentière qui, longtemps, très longtemps après la Révolution, hypothèque encore l’évolution politique et le développement socioéconomique de la nation.
Par : Mustapha Hammouche
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