Il se confirme depuis vendredi dernier que tous ceux qui, à un moment ou un autre, ont cru que le gouvernement français allait revoir partiellement le contenu de la loi du 23 février 2005 ont fait preuve d’angélisme. Aux réactions, à l’époque, des historiens mais aussi de l’Algérie et des dirigeants des pays victimes sur l’aspect positif du colonialisme consigné comme élément essentiel dans les dispositions d’une loi à la profondeur scélérate, la majorité politique de l’époque et le gouvernement allaient dans un superbe retournement de situation y trouver une gauche formulation de nature à semer la confusion dans les esprits notamment des peuples des pays naguère colonisés.
Or, il semble s’avérer que lesdites dispositions ou du moins l’application de l’une d’elles n’a été qu’hibernée, autrement dit le temps que passe la bourrasque soulevée, une bourrasque qui avait fait sortir de leurs occupations de nombreux historiens, lesquels avaient très rapidement stigmatisé et dénoncé le recours à la mémoire et toutes les contradictions qu’elle véhiculait au détriment de l’histoire. Mais il était également question de l’arbitraire victimisation d’un camp par rapport à un autre.
C’est d’ailleurs sur ce point précis qu’est revenu d’emblée Hubert Falco, secrétaire d’Etat à la Défense et aux Anciens combattants, annonçant la création d’une Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie, «…un point positif», soulignera-t-il d’ailleurs devant un auditoire constitué essentiellement d’associations de harkis dont les noms : «le souvenir français », «les gueules cassées», «la Fédération nationale André Maginot» renseignent à eux seuls sur les vraies raisons d’une telle mesure mais aussi sur la symbolique visée.
Les risques de l’inconsistance d’une reconnaissance morale pouvant se diluer dans le temps, le secrétariat d’Etat l’accompagne d’une mesure matérielle qui consistera en une allocation de reconnaissance (20 000 euros) à titre posthume aux harkis décédés et de privilège à l’emploi et la formation au profit de leurs descendants. En fait, dans un tel contexte et par rapport à la réalité des faits, ces mesures matérielles importent peu et ne peuvent en aucun cas constituer un abcès de fixation. Les risques viennent plutôt des témoignages accentués autour de «la gratitude» et du «respect» dus aux supplétifs.
Par ailleurs, est-il besoin de rappeler que la création de la Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie est un projet qu’avait évoqué en septembre 2007 François Fillon, le Premier ministre français, lequel, mettant à profit les difficultés que rencontraient des chercheurs et de jeunes docteurs à trouver des bourses de financement nécessaires à leurs recherches, avait visiblement voulu l’habiller d’une légitimité historique alors que celle-ci souffrirait automatiquement d’un déficit d’indépendance. Jacques Chirac, qui avait non sans lucidité soupesé la réaction des historiens, avait jugé plus sage de mettre au frigo le projet.
Sans qu’il soit nul besoin de faire dans la paranoïa, n’y aurait-il pas un lien causal entre l’inimitié qu’a Nicolas Sarkozy pour son prédécesseur et tous ceux qui à une période ou une autre de ses deux mandats ont été ses hommes ? La réactivation de l’une des dispositions de la loi du 23 février servirait à préparer, si lointaines seraient-elles encore, des échéances électorales, compte tenu du poids que représentent les «rapatriés» mais aussi et surtout des nostalgiques de l’Algérie française, comme celle de l’exhumation de l’affaire des moines de Tibhirine servirait aussi à ternir Jacques Chirac à travers celui qu’il qualifiait de «meilleur d’entre nous», Alain Juppé, alors Premier ministre.
Un Premier ministre chiraquien comme l’a été Dominique de Villepin que rattrape étrangement une autre affaire… celle de Clearstream. L’Etat français ou certains parmi ses dirigeants continueront à faire usage, voire de l’abus d’usage de la loi du 23 février 2005 comme ils agiteront à chaque fois que cela les arrangera le dossier des moines de Tibhirine.Rappelons pour l’anecdote qu’Hubert Falco, maire de Toulon en 2001 ne s’était surtout pas signalé par sa volonté de ne pas interdire au nom de la collégialité communale (extrême droite) l’attribution du nom de Salan (le général de triste mémoire) à l’une des artères de la ville.
Par A. Lemili
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