Le 29 septembre se tient la 15e tripartite (en fait la 14e bis qui fait suite à celle ouverte le 28 mai 2011 et qui était consacrée exclusivement à l’entreprise). La tripartite de cette fin de mois traitera de questions sociales mais pas seulement. Elle doit faire le point sur les conclusions auxquelles sont parvenus les huit groupes de travail mis en place le 28 mai et qui étaient chargés d’arrêter des mesures concrètes visant à aider l’entreprise algérienne à aller de l’avant.
L’impression que laissent entrevoir les organisations patronales est que ces groupes de travail n’ont pas beaucoup avancé et pour ceux qui ont progressé dans leur réflexion, les mesures qu’ils ont arrêtées (et qui ont été le fait des administrations centrales concernées) sont loin de faire l’unanimité. Citons à titre d’exemple le groupe chargé de traiter le dossier de la dette des entreprises et qui a abouti à la mise en place de conditionnalités (à respecter par les entreprises) pires que celles arrêtées par le FMI lors du rééchelonnement d’une dette extérieure d’un pays ! Attendons de voir ce qui sortira de la réunion du 29 septembre et nous pourrons alors mieux évaluer l’intention du gouvernement quant à la mise en œuvre de cette fameuse politique de l’offre que tous les entrepreneurs (publics et privés) attendent.
L’urgence est toujours à la mise en œuvre d’une politique économique favorable à l’entreprise
Ce régime de croissance économique mis en œuvre actuellement dans notre pays n’est pas efficace. La croissance hors hydrocarbures est certes positive mais elle est molle, c’est-à-dire en deçà des ressources engagées. Elle est du même coup très coûteuse. De plus, du point de vue des moteurs de cette croissance, seule la dépense publique agit. De même, du point de vue des acteurs de la croissance, l'ambiguïté est grande et les hésitations nombreuses entre un retour pur et simple aux entreprises publiques des années 70 et un pas, qu’on n’ose pas encore franchir, vers un soutien franc aux entreprises privées et leur accompagnement dans une dynamique d’investissement, de production et d’exportation. Question : dans le domaine de l’industrie par exemple : faut-il se lancer aujourd’hui dans la construction de grands groupes industriels publics spécialisés à l’image de celui qui vient d’être constitué dans la branche ciment ? Des grands groupes publics pour aller vers quoi ? L’industrie mondiale est déjà en proie à de grandes batailles de compétitivité et de gain de parts de marché et les protagonistes sont des champions mondiaux (non pas publics mais à capitaux privés, faut-il le rappeler), en perpétuelle restructuration, délocalisation, externalisation, champions mondiaux qu’il sera bien difficile de concurrencer. Notre «nouvelle» option industrielle vraisemblablement inspirée de l’expérience sud-coréenne des «chabols» (qui a démarré, voilà près de 40 ans !) peut-elle se payer le luxe de refaire l’histoire et échouer une nouvelle fois surtout que le contexte industriel mondial est aujourd’hui encore plus difficile, évoluant à un rythme très rapide. Nous ne pouvons plus reprendre notre industrialisation là où elle s’est arrêtée avec la restructuration organique des entreprises de Abdelhamid Brahimi. Ce modèle des années 70 ne peut plus être rattrapé 30 ans plus tard ! Combien de temps nous faudrait-il pour construire des grands groupes performants, et pourra-t-on le faire avec des entreprises publiques dont on sait maintenant qu’elles ne peuvent pas être gérées sous contrainte d’efficacité à cause, notamment, de leur exposition aux inévitables immixtions du pouvoir politique et les objectifs sociaux qu’il leur fixe. Ne vaudrait-il pas mieux chercher à ouvrir le capital de nos entreprises publiques industrielles dans le cadre d’une stratégie d’intégration aux chaînes de valeur internationales dont les grands champions mondiaux localisent aujourd’hui des segments entiers sur différents sites (et dans différents pays) par des stratégies d’externalisation, d’outsourcing et que les pays émergents cherchent à accueillir en rivalisant d’ingéniosité. L’Algérie a déjà une expérience en matière de grands groupes industriels publics. Rappelons-nous : notre industrie manufacturière tout entière était organisée pour l’essentiel en une dizaine de grands groupes : Sonacome, Sonelec, SNMC, Sonic, SNS, Sogedia, Snic… On insistait à l’époque déjà sur l’effet taille pour aider nos grandes sociétés nationales à devenir des champions même dans le cadre d’une gestion étatique et planifiée. Cette dynamique, dont on ne saura jamais si elle allait réussir ou pas, a été cassée par la fameuse restructuration organique des entreprises publiques du début des années 80. Aujourd’hui, bien évidemment, le contexte national mais surtout mondial a complètement changé et le rythme d’évolution infernal imposé par les multinationales à l’industrie mondiale a complètement déclassé la démarche adoptée dans les années 70. Il faut que nos décideurs en prennent acte.
Une nouvelle stratégie industrielle
A l’ère de «l’entreprise sans usine», de l’outsourcing, de la sous-traitance et des «call centers», devrions-nous en Algérie revenir à l’industrialisation de type soviétique organisée en grands combinats et recherchant l’effet taille ? Devrions-nous solliciter comme acteur principal du développement, d’abord l’Etat malgré l’inefficacité dont il fait preuve, ici et ailleurs, en matière de gestion sous contrainte ? Ne devrions-nous pas aller plutôt à la petite et moyenne entreprise plus flexible, plus innovante pour peu que l’Etat la soutienne, l’accompagne et l’anime ? Ne devrions-nous pas libérer les initiatives, développer l’esprit d’entreprise, mobiliser les capacités entrepreneuriales privées ?
Mettre en œuvre un véritable «plan PMI privées»
L’Algérie attend toujours sa stratégie PMI privées adossée à une politique économique qui soutient les petites et moyennes entreprises et les aide à devenir des entreprises à forte croissance innovantes et compétitives à la fois sur le marché intérieur et sur les marchés d’exportation. Combien de fois n’avons-nous rappelé cette attente ! Une stratégie PMI privées c’est une série de mesures et d’actions en faveur de la petite et moyenne entreprise qui ne sauraient se limiter à l’actuel programme de mise à niveau bien timide ni être confiées à la seule actuelle division «PME» au sein du ministère de l’Industrie. Nous avons déjà eu à présenter les plans américains et français en faveur des petites et moyennes entreprises. Nous les rappelons une nouvelle fois, espérant toujours éveiller quelque réaction positive chez nos «policy-makers» mais prenant aussi le risque de dire et redire une litanie ! C’est en 1953 que le gouvernement américain adopte et met en œuvre un programme dédié à la petite entreprise, qui stipule : «Le gouvernement doit aider, conseiller et protéger dans toute la mesure du possible, les intérêts de la petite entreprise.» Ainsi «le libéralisme économique n’est pas toujours là où on l’attend». C’est le gouvernement américain qui a mis en place de nombreuses aides en faveur des petites entreprises privées et créé l’administration des petites entreprises (SBA) employant trois mille agents et dirigée par un membre du cabinet du président américain, administration chargée de l’application d’un programme d’aides à la petite entreprise. Ces aides touchent à quatre volets :
1)- L’accès aux marchés publics : La loi impose que les marchés publics inférieurs à 100 000 dollars soient mis de côté pour être réservés aux petites entreprises. Ainsi, 62 milliards de dollars de marchés publics sont attribués annuellement aux petites entreprises sur un total de 200 milliards de dollars passés par l’Etat fédéral. La SBA délivre pour ce faire, et à ce titre, aux PME un certificat de compétence qui atteste de leur capacité à soumissionner.
2)- La défense des PME Au sein de la SBA, il y a un bureau de défense de la PME («Office of Advocary») mandaté pour être «les yeux et les oreilles» des PME. Ce bureau propose des dispositions en faveur des PME. Il est aussi le porteparole des PME quand elles rencontrent des difficultés.
3)- La formation, le conseil, l'assistance La SBA développe de très nombreuses actions pour former et conseiller les chefs d’entreprise. Il a été mis en place 57 centres de développement dédiés à ces missions. 13 000 formateurs, essentiellement d’anciens dirigeants d’entreprise à la retraite, exercent dans ce cadre.
4)- Les aides au financement Le gouvernement américain, par l’intermédiaire de la SBA, met en place des programmes financiers qui répondent aux besoins des petites entreprises.
Il s’agit principalement de garanties de prêts (quelque 11 milliards de dollars annuellement) et de soutien à l’industrie du capital risque par le biais du programme SBIC (Small Business Investment Act). Le Small Business Act» a largement contribué au développement des PME et les USA disposent de 22 millions de petites entreprises qui emploient 52% de la population active et contribuent pour 50% du PIB. Ces PME ont créé, depuis 1993, 10 millions d’emplois nouveaux. Pour sa part et s’inspirant de l’expérience américaine, la France a mis en œuvre en juillet 2006, un plan dédié aussi aux PME (de 20 à 249 salariés). Les décideurs français ont constaté une faible croissance des PME et ont pu identifier trois problèmes.
1- Pour atteindre ses objectifs de croissance, une PME innovante doit recruter. Le marché du travail étant en France peu flexible, l’entreprise a peur de prendre trop de risques.
2- Il n’y a pas d’encouragement fiscal pour soutenir les PME qui veulent augmenter leur taille et développer leur potentiel de croissance.
3- Les banques ne suivent pas et n’assistent pas les PME en croissance qui rencontrent de nouvelles contraintes et qui souffrent de délais de paiement trop lents. L’objectif du «Plan PME» en France est de travailler à faire émerger des PME innovantes et compétitives par un accompagnement de l’Etat. Il y a alors de la part de l’Etat :
1/ Un soutien financier à l’innovation
2/ Une assistance conseil Plus concrètement, le «plan PME» concerne les entreprises qui ont une croissance annuelle de leurs chiffres d’affaires d’au moins 20% pendant 4 ans en partant d’une base minimale de 100 000 $ de chiffres d’affaires. Les mesures concrètes d’aide à ces PME sont :
1- Gel de l’impôt sur les sociétés
2- Possibilités de décaler le paiement des cotisations sociales des salariés nouvellement embauchés.
3- Remboursement immédiat du crédit d’impôt recherche. De plus, un soutien financier public est accordé aux PME innovantes. Des «Small Business Investment Company» (SBIC) inspirés des modèles américain et anglais) qui rassemblent pouvoirs publics et opérateurs privés, assistent financièrement les PME dont les délais de paiement, trop longs, freinent considérablement les capacités de développement. Les ressources des SBIC sont constituées de capitaux collectés par emprunts obligataires dont les intérêts sont garantis par l’Etat. De plus, les banques et les compagnies d’assurances font des apports.
Il y a assurément quelque source d’inspiration pour l’Algérie dont les PME, pourtant moteurs incontestables de croissance, d’innovation et de compétitivité, sont complètement plombées par manque de stratégie des pouvoirs publics.
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