Quinze ans après les faits, l’affaire de l’assassinat des moines de Tibehirine, en 1996, continue de susciter l'intérêt des médias français. Un livre et un documentaire, tous deux intitulés « Le crime de Tibehirine », signés du journaliste Jean‑Baptiste Rivoire, apportent une nouvelle version des évènements. De nouveaux témoignages d’anciens membres des services algériens et d’islamistes y mettent en cause ces mêmes services dans la mort des moines. Le documentaire sera diffusé le 19 septembre sur la chaîne française Canal +.
Ainsi, selon un ancien lieutenant qui se fait appeler « Kamel », les chefs des services de renseignement algériens ont demandé à un petit groupe d’agents infiltrés au sein du GIA d’enlever les moines avec un groupe d’islamistes qui, eux, n’étaient pas au courant de la manipulation. Toute l’opération aurait été décidée en mars 1996 au cours d’une réunion au CTRI de Blida en présence du général Smaïl Lamari, responsable du contre‑espionnage. Un autre témoin, « Rachid », qui dit avoir été membre de ce groupe ayant enlevé les moines, raconte l’opération.
De courts extraits du documentaire sont déjà visibles sur le site internet de la chaîne. L’un d’entre eux montre un dissident du DRS, Karim Moulaï, qui affirme avoir été en poste à Ben Aknoun au moment des faits. Selon sa version, l’exécution des moines a été organisée et réalisée par les services de sécurité algériens, au CTRI de Blida entre le 25 et le 27 avril 1996. « Ils ont été tués un mois après leur kidnapping, parce qu’après une réunion de crise à Blida, ils (les patrons des services algériens, ndlr) n’avaient plus le choix, (…) ils n’avaient plus d’échappatoire. S’ils les libéraient, ils auraient pu parler. Ils avaient certainement compris qu’ils n’étaient pas entre les mains du GIA ». Il affirme que ce sont certains des membres du commando, envoyé par les services algériens depuis une caserne de Ben Aknoun, qui lui ont raconté l’opération. « Ils ne m’ont rien dit avant, ils m’ont parlé après. On l’a fait, on les a tués (…) à l’intérieur du CTRI de Blida », ajoute‑t‑il.
Selon le livre et le documentaire, les services de renseignement algériens ont organisé toute cette opération pour trois raisons : contraindre les moines à quitter la région, discréditer les islamistes et obtenir la reconnaissance de la France en faisant libérer les otages par l’armée algérienne.
Mais interrogé par l’AFP, Patrick Baudouin, l’avocat des parties civiles dans l’enquête qui se tient en France, s’est montré réservé face à ces révélations, impossibles à vérifier. « Ces éléments doivent être accueillis avec beaucoup d'intérêt mais aussi précaution et prudence. Le grand intérêt de cet ouvrage est, j'espère, qu'il va ouvrir la voie à de nouvelles investigations judiciaires », a‑t‑il dit. « Une nouvelle fois, la vérité assénée depuis l'origine par les autorités algériennes sur l'enlèvement, la séquestration et l'exécution des moines par les islamistes est battue en brèche », a‑t‑il ajouté.
L'enquête sur l'assassinat des moines avait été relancée en 2009, après le témoignage de l'ancien chef de la DGSE à l'ambassade d'Alger, le général Buchwalter, qui avait affirmé que les moines étaient morts suite à une bavure de l'armée algérienne. Depuis, d'autres témoignages, notamment celui de l'ancien officier du DRS Abdelkader Tigha, ont remis en cause la thèse officielle, celle de l'enlèvement et de l'assassinat des moines par le GIA.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire